Commercialiser le cannabis CBD : « un choix osé »
Les portes s’ouvrent, la dizaine de clients s’engouffre aussitôt. La file d’attente bruisse d’impatience et de rumeurs : « Le magasin a reçu une grosse commande ».
Sa propriétaire, Elodie Marchon, s’affaire à la caisse. Son compagnon ne la lâche des yeux que pour aller chercher les cartons.
« C’est compliqué. En choisissant de vendre du Cannabis CBD, elle a fait un choix osé ».
« Elle tient le coup, mais je vais peut-être la récupérer en pleurs ce soir »
C’est dans ces locaux exigus que la fringante jeune femme a décidé de vendre du cannabis CBD, abrégé de cannabidiol. Cette substance extraite du chanvre n’a pas d’effet psychoactif, contrairement au tétrahydrocannabinol, plus connu sous l’acronyme THC. Depuis quelques mois, la loi permet de vendre ce produit en France, à condition que le taux de THC ne dépasse pas 0.2%.
Remplacer le cannabis THC par le CBD ?
« L’Organisation Mondiale de la Santé a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un produit stupéfiant, compte tenu de la faible teneur en THC », éclaire Olivier Brasseur, directeur de l’ANPA, Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie.
« Certaines études montrent également qu’il y a des propriétés tranquillisantes ».
R. a 42 ans, le visage émacié, les dents jaunies et une addiction au cannabis avec THC (illégal en France, donc). « Moi, je fume du cannabis avec THC, ça me calme quand je suis trop nerveux. Pour essayer de décrocher du cannabis THC, j’ai décidé de tenter le cannabis CBD ».
Le CBD, une solution pour arrêter le cannabis THC ? Pour Olivier Brasseur, « c’est la même problématique que le vapotage : on remplace un produit par un autre, certes il y a sûrement une réduction du risque, mais de là à en faire la promotion…. Remplacer le cannabis THC par le cannabis CBD ne permet pas de soigner la pratique addictive, qui est comportementale : on a le même geste, le même rituel ».
« Psychologiquement, les gens ne sont pas prêts »
Si le cannabis CBD a l’aspect et l’odeur du cannabis THC, les effets ne sont pas les mêmes. « On n’est pas du tout dans la défonce pure et dure », explique L., 32 ans. « Ca nous relaxe un petit peu. Moi je prends ça de manière très ponctuelle, parce que j’ai de gros problèmes de dos. C’est un bon palliatif aux anti-inflammatoires ».
L. allait s’approvisionner en Suisse et se réjouit de l’ouverture de la boutique, en octobre dernier. Son emploi dans le commerce lui empêche pourtant d’assumer. « Les gens, psychologiquement, ne sont pas prêts. Ils sont d’accord pour boire des canons, se mettre une caisse…Mais par contre, pas de cannabis, jamais ! »